Des architectures à l'échelle 1/1 pour des denrées alimentaires.
- Un syndicat d'initiative pour une patate
- Une résidence d'été pavillon individuel pour un kilo de nouilles
- Une résidence d'été pour une saucisse
- Un musée pour du vin de table

en collaboration avec Jean-Christophe Rouillon.

Eurolines

Nous buvons un Bordeaux. Carole, François Thiry sont architectes. Assez ignorant des pratiques d’architectes, j’essaie de comprendre un peu la mise en place ou la mise en chantier d’un bâtiment. Le travail d’architecte est un travail laborieux : il se réfère constamment à des logiques physiques. Ce travail demande autant de réflexions pratiques que de décisions intellectuelles, les limites de la corporation semblent mal délimitées, du moins le niveau de responsabilité est fluctuant - l’architecte semble définir les limites et ses seuils de compétence. J’adhère volontiers à l’idée.

Carole m’apprend que les architectes ne sont plus les véritables maîtres d’œuvres, du moins, l’architecte est en sandwich entre le commanditaire et l’entrepreneur. La conclusion est directe, il reste peu d’espace aux rayonnements de la subjectivité architecturales. En fait, les contraintes financières, les imaginations rentables, les formats techniques et l’articulation du réseau et de flux urbain réduisent sérieusement les marges de manœuvres. Comment opérer, en imaginant des formes informes, irréelles et sans destination concrète, ou bien encore, défendre l’utilisation des standards de l’industrie en amplifiant les modules, et les systèmes ? Faire une maison uniquement avec des portes, ou des portes-fenêtres…

Nous finissons la bouteille. Je fume du Belge. Je suis de passage à Bruxelles, une semaine, le temps est magnifique et je ne fais rien de la journée, ou presque. Je me demande si le Français n’est pas un peu trop héroïque. Du moins, je me demande si l’artiste français n’a pas cette fiévreuse ambition de sauver le monde. Naturellement, avec panache et la plume au vent. Je me dit qu’il est temps de sauver la Belgique et de produire un acte sans précédent. Je ne sais pas vraiment si c’est une qualité française de conquérir le monde à cheval. Si l’on observe rapidement l’histoire, on remarque que la grandeur d’un pays se compte au nombre d’immigrés. De la Corse à la France, il n’y avait pas deux pas à faire pour que Napoléon devienne le maître incontesté du Style Empire.

Il fallait donc produire quelque chose pour la nation Belge. Je prends mon chapeau et mes bottes de cow boy et m’en vais réfléchir sur mon lit. Rrien. Rien ne vient. Je m’endors. Mon sommeil est régulier. Le pouls est bon. Le matelas confortable. Quelques rêves pornographiques. Une santé de fer. Je me réveille à dix heures du matin et me prépare à retourner en France. La semaine fut belle. Je sors faire quelques courses.

Il est exactement quinze heures quarante-trois sur mon ordinateur, je rédige un mot de remerciement. Quelques ratures, je recommence. Quatre minutes plus tard, une idée me tombe sur le crâne, je ne sais pas d’où elle vient ni par où elle est entrée. Je sais seulement que j’ai de quoi sauver la Belgique avec une saucisse et un crayon. Fiévreusement, j’attrape le sac de course, défais le papier plastifié et pose la saucisse sèche sur le papier ou se trouve mes remerciements. Quelques coups de crayons, un entrepôt se dessine et destine tant la saucisse que l’architecture Belge à un avenir rayonnant. L’idée est simple, choisir des standards architecturaux et un paradigme artistique : Maisons + Denrées alimentaires.

Juste avant mon départ, je partage l’idée avec David Evrard, il me signale que l’action serait plus pertinente si je lui achete un morceau de terrain (constructible) afin d’y déposer mes œuvres. D’un entrepôt pour une saucisse, je passe à une maison pour un navet, une boîte de corned beef, un tube de colle en chocolat ou une chaussette en pâte d’amande. Le morceau de terrain fut cédé suite à de dures négociations. Nous nous sommes enfin entendus pour 50 cm cube (air et aire). La Belgique est sauvée.

Sammy Engramer.