Jean-Michel Valtat, médecin psychiatre et Lacanien de formation, m’initia au vocabulaire de la psychanalyse. Ouvert à toutes les disciplines et curieux d'explorer de nouveaux sujets, je fus un sujet attentif aux achoppements de la langue. Ayant le désir de concrétiser ce rapport sous la forme d'une exposition, je m’exerçais, dans le cadre d'un débit de boisson, à saisir les dessous de la langue de mes amis ivrognes, parfois. Il fallut déployer un courage sans commune mesure et ne pas hésiter à sombrer dans la dérive de l’alcoolisme afin d'obtenir des résultats concluants. Heureusement, nous avons pu compter sur Guy Narbey (Patron du café " Le Café ") qui sut limiter et encadrer les excès de cette expérience scientifique.
Description
Un mot de 5 mètres de long et 1 mètre de large est installé au-dessus de la banquette faisant face au comptoir du Café. Ce mot est de couleur rouge fluo.
Analyse
Quelle la fonction d'un mot dans le cadre d'une exposition ? Nous connaissons les questions qu'un certain nombre d'artistes et poètes ont posées concernant les aspects formels du mot. Le poète est attentif aux aspects sonores du mot. Pour l'artiste, c'est l'aspect graphique ou encore plastique du mot. Le mot fait image, comme d'ailleurs pour le poète bien qu'il privilégiera les qualités sonores (et abstraites) du mot. Le poète et l'artiste se préoccupent également de la signification, quoique de façon générale ils préfèrent l'un comme l'autre s'attarder sur les caractéristiques sonores ou plastiques du mot : chacun fait un choix en rapport à sa discipline. Dans le cadre d'une exposition, le mot fait image, une image abstraite (graphique) comparable aux qualités formelles (sonores) d'un poème.
Selon le point de vue du psychanalyste, quelle pourrait être la fonction d'un mot dans le cadre d'une exposition ? Si l'on se réfère à une des techniques de la psychanalyse, comme le jeu de mot poussé à son extrême limite, il n'est pas difficile d'imaginer un psychanalyste orientant ses interprétations en fonction du sens " caché " du mot. À ce point nommé, il judicieux de rappeler que nous agissons dans le cadre d'une exposition (scientifique). C'est l'esprit conditionné par une activité (celle du poète, de l'artiste ou du psychanalyste) qui nous importe, et non le cadre professionnel dans lequel s'inscrit l'analyste, c'est-à-dire l'Analyse. Ceci dit, en relation à une activité artistique, que peut-on imaginer faire penser à un psychanalyste ? Et surtout, que puis-je mettre en jeu ? Le mot " s'exposer " signifie subir quelque chose, par exemple : s'exposer à la critique. Ce qui n'est pas la même chose qu'" exposer " un objet. Toutefois, lors d'une exposition, l'artiste expose son travail. D'où, une question simple : l'artiste, lorsqu'il expose, s'expose-t-il ? En occident, la valeur (marchande) d'un travail artistique est établie lorsque l'artiste signe et s'engage personnellement à exposer des œuvres d'art. L'artiste expose autant qu'il s'expose... Et, à cet instant où le sens commun traverse l'esprit rompu d'un médecin psychiatre, le psychanalyste se dit : " l'artiste-sexe-pose ". Le sens dérive et cristallise un des rapports que l'artiste pourrait avoir avec l'œuvre d'art. Si l'on s'en réfère à l'histoire, ce rapport, éventuellement narcissique et masturbatoire, fut un des sujets de prédilection de l'art.
Au-delà de l'imaginaire d'un psychanalyste et d'un artiste, en quoi le mot " s'exposer " questionne-t-il la matérialité d'une situation socio-économique, c'est-à-dire un débit de boisson ? Plus qu'il ne la questionne, il y répond. Le mot " s'exposer " est installé au-dessus de la banquette du café " Le Café ". Beaucoup de consommateurs posent leur sexe sur la banquette. Dans ce cadre, le mot " s'exposer " alias " sexe-posé (sur la banquette)" révèle un acte quotidien des plus concrets.
Enfin et afin de souscrire un peu à l'histoire de l'art, l'exposition " s'exposer " adresse une critique positive à l'art néo-conceptuel. Car exposer l'action d'exposer n'expose rien d'autre que l'action d'exposer.
